Atikamekw Nehirowisiwok

Traduction: Nicole Petiquay

Narration: Nicole Petiquay

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Atikamekw Nehirowisiwok

LA LANGUE

Elle pouvait tout nommer : les montagnes et les rivières; les bois tendres, mous ou durs; les baies sauvages comestibles ou celles qui font mal; les neiges mouillées et les poudreries; le vent du nord, violent, incessant; la brise calme des mers, au petit matin, lorsqu’il fait presque nuit. Les langues pouvaient nommer chaque chose de la Terre, chaque émotion de l’humain.

Ce sont des langues anciennes qui nous rappellent un temps lointain et dont la poésie et le rythme sont autant d’inspirations que la nature en elle-même.

La poésie est nécessaire et primordiale, car la littérature d’un peuple commence par l’oralité de sa poésie. Elle est un élan vital qui te saisit par le ventre, qui tiraille au fond de la gorge. Elle est un territoire de mots en friche qui n’attendent qu’à être découverts puis disséminés au gré du vent. Nous en sommes là. Dire le beau. Dire le vrai. Dire le monde. Participer, avec notre regard singulier, à cette belle et grande narration, à cette richesse de perspectives.

Avec les mots, nous retrouvons et partageons la beauté qui nous entoure, les histoires et le regard particulier sur le monde qu’apporte chaque langue; toutes ces particularités qui nous font naître et qui nous forment sur le plan identitaire. Pour nous, la poésie, la langue de l’observation, coule de source, va de soi. C’est elle qui permet de déchiffrer le réel de la manière la plus fluide et la plus organique qui soit.

Les langues autochtones nous racontent notre histoire, les endroits où nos ancêtres ont marché. Elles sont cependant dans l’incapacité de nommer toute la modernité, tous les changements brusques et rapides.

Les langues autochtones s’écrivent peu, comme elles se lisent par un petit nombre seulement. Elles étaient des langues pratiques, créées pour nommer la fonction des choses. Elles n’étaient pas conçues pour l’écriture, mais plutôt pour le chant et les discours. Ces deux arts sont les mieux maîtrisés encore aujourd’hui. Dans la littérature autochtone nouvelle, on se sert des langues maternelles pour recréer le temps des ancêtres, pour renouveler le regard sur leurs gestes, pour poétiser la grandeur de la nature. Chaque mot renferme une imagerie puissante et vraie.

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